
Tout le monde parle de ralentir. Vous y croyez, vous ?
Ralentir la cadence permet de travailler mieux. C’est même l’état d’esprit à avoir pour un créatif ! Il y a quelques jours, j’échange avec Nicolas Lemaitre (Designer Graphique).
Ralentir la cadence permet de travailler mieux. C’est même l’état d’esprit à avoir pour un créatif !
Il y a quelques jours, j’échange avec Nicolas Lemaitre (Designer Graphique). Nous discutons de son fonctionnement. Le parallèle avec le concept de ralentir est évident. Il diminue sa vitesse de travail s’il souhaite réaliser des propositions graphiques intéressantes.
- Il laisse souvent 2 jours entre chaque moment créatifs pour un même projet.
- Les “vraies” pauses lui sont indispensables pour arriver à sortir quelque chose de qualité.
Je m’intéresse et j’expérimente depuis quelques années le principe du “slow” qui est à la mode depuis longtemps (slowlife, slowgrowth, slowcity, slowfood, slowtourisme…).
Mais comment est-ce possible de faire mieux en faisant moins ? Est-il possible de gagner sa vie en fonctionnant comme ça ? Faut-il travailler plus pour réussir ?
Le multitâche (le fait de jongler entre plusieurs activités en même temps), dans la vie pro et perso, est devenu le mode de fonctionnement par défaut de beaucoup de gens. Certaines personnes en font tellement qu’elles arrivent jusqu’au burnout qui les oblige à ralentir.
De nombreux parents soucieux du bien-être de leurs enfants essayent de leur proposer un maximum d’activités différentes… La société actuelle nous pousse dans l’action en permanence. Le silence et l’ennui ne sont pas considérés comme de bonnes choses.
Il n’est pas évident de remettre tout en question.
Vu mon attention limitée, je n’ai pas le choix. Fonctionner plus lentement fait partie de ma vie. Pourtant, je dois arriver à la même productivité que les autres.
En tant qu’indépendante, je dois continuer à prouver à mes clients que travailler avec moi est une bonne chose, que je leur apporte de la valeur.
Avec Nicolas, nous sommes complètement d’accord ! Faire moins de choses ne veut pas dire travailler moins bien. Au contraire !
Concentration profonde plutôt que multitâche
Nicolas gagne énormément en productivité en réservant des blocs de temps à la création, à la recherche ou l’inspiration.
Aujourd’hui, tout est dans la vitesse, on essaie de caser un maximum de choses dans une journée. Plus on raye des éléments de notre to-do list, plus on se sent satisfait, on a l’impression d’avancer.
Nous n’avons pas suffisamment de moments de concentration absolue (aussi appelée “deep work”).
Certaines personnes ne connaissent même pas ce type de concentration ou ne se rendent pas compte de l’importance que cela peut avoir.
En faisant plusieurs choses en même temps, il est impossible de faire correctement chacune des tâches (on parle de “clignement attentionnel”). Le temps pour réaliser une action de façon optimale est, dans ce cas, plus que doublé.
En mettant l’énergie sur une seule chose et en supprimant toute distraction (téléphone, slack, mail…), nous arrivons à un meilleur résultat en moins de temps.
La distraction est le pire ennemi de la concentration ! Certaines études montrent qu’il faut parfois jusqu’à 20 minutes pour se reconcentrer après avoir été interrompu.
Notre capacité de concentration est limitée. Au fur et à mesure que nous l’utilisons, notre stock diminue. Un peu comme une pile électrique. Il est impossible de rester concentré profondément au-delà de 3h par jour.
La bonne nouvelle, c'est que tout le monde peut trouver cet état de concentration profond.
Il est nécessaire, pour cela, de bien se connaître pour trouver le moment de la journée le plus intéressant pour nous. Mais également découvrir le meilleur moment pour faire une pause. Chacun est différent.
Des pauses indispensables
Nicolas alloue un temps limité à la création. Il ne travaille pas plus de 3h sur un travail créatif.
“Tu es plus perdant si tu en fais plus”
Au-delà de ce timing, il s’embrouille et commence à perdre son temps.
Personnellement, je fais la majorité de mes pauses dehors. Ça me permet de bouger, de prendre de l’oxygène, de déconnecter du sujet sur lequel je suis pour revenir beaucoup plus fraîche et me reconcentrer plus facilement.
Avoir une bonne concentration est déterminant pour arriver à ralentir!
Des choix importants
Placer du “deep work” dans une journée nous oblige à faire des choix !
- Quel est le meilleur moment pour la création, pour la concentration profonde ?
- Quelles actions demandent de la concentration profonde ?
- Quelles sont les choses que nous allons faire, ne pas faire ou déléguer ?
- Quelle nourriture nous allons manger dans le but de diminuer les impacts de la digestion sur la concentration ?
Nicolas décide de ne pas passer trop de temps sur les réseaux sociaux. La majorité de ses clients le trouvent via le bouche-à-oreille, au niveau de sa région. Il met de l’énergie sur les choses qui lui sont les plus bénéfiques.
Ses moments de création sont le matin entre 8h et 11h ou après 17h.
Travailler beaucoup pour en faire plus est une croyance
La société, certaines personnalités inspirantes (Elon Musk) nous poussent à travailler plus. Travailler plus que les autres devient même synonyme de reconnaissance sociale.
Et certaines personnes considèrent les gens qui ne font pas 40h par semaine comme des paresseux.
Tout nous pousse à faire des heures.
Et si on remettait cette croyance en question ?
En Islande, une étude a montré qu’il était tout à fait possible de diminuer le temps de travail des salariés sans perdre en salaire ni en productivité. L’impact va même jusqu’à améliorer la santé physique et mentale des participants de l’étude. 😃
Personnellement, je travaille 7h par jour lorsque je travaille pour Decathlon (j’ai une mission à 50% pour le moment). Les autres jours, je ne dépasse jamais 6h de travail. Mon équilibre en dépend.
Si je dois dépasser les 6h, c’est que je suis mal organisée !
Les étudiants allemands passent moins de temps à l’école durant une journée (pas d’école après 15h30) et ont de très bons résultats (parfois même meilleurs que les étudiants français, belges ou suisses).
Nicolas ne facture pas à l’heure, mais à la prestation. Qu’il passe 30h ou 100h sur un projet, c’est le même tarif. L’idée est donc d’arriver à faire du travail de très bonne qualité sans passer trop d’heures dessus.
Travailler notre organisation en casant des moments de concentration profonde tous les jours et en s’autorisant des pauses permet de donner de la valeur à notre travail. Nous pouvons passer moins d’heures pour un projet avec un résultat similaire ou même meilleur.
Nous avons chacun notre limite. Quand elle est atteinte, on commence à faire du mauvais travail ! Se connaitre et s’adapter à notre propre fonctionnement est primordial.
Nicolas organise ses journées et place des temps de création tous les jours.
Il sait que travailler 8h d’affiler ne lui permet pas d’avoir un logo, une illustration, une plaquette graphique… de qualité.
Par contre, travailler tous les jours sur le même projet (ou tous les deux jours, selon la création qu’il a à faire) est indispensable.
C’est un peu comme la construction d’une maison. On peut placer quelques briques par jour et créer quelque chose de solide et durable ou être épuisé et risquer l’écroulement en entassant toutes les briques le même jour.
La régularité de nos actions est donc capitale lorsque nous souhaitons ralentir pour travailler mieux.

Éviter la charge mentale et le stress.
En voulant faire un maximum de tâches sur une journée, nous surchargeons notre mental ce qui peut amener à une augmentation du rythme cardiaque et à du stress.
Nicolas doit être le plus détendu possible pour arriver à se concentrer et créer quelque chose de pertinent. Il sait qu’avoir des moments en famille et faire de l’activité physique permettent de le détendre au maximum. Il ne s’en prive pas, son travail ne peut être que meilleur.
“Mon fonctionnement me permet d’être relâché, moins tendu et être un maximum créatif”
Le stress peut parfois permettre d’accélérer le travail et arriver à faire plus. Cependant, cette surcharge mentale se paie. Nous connaissons tous quelqu’un qui a fait un burnout.
Ralentir nous permet d’avoir plus de temps pour nous, recharger les batteries et nous mettre dans des conditions optimales pour travailler.
Personnellement, si des signes de tension arrivent, je ne les autorise pas à s’installer. Je sors pour les évacuer. C’est ma manière de rester productive dans le temps.
Digérer pour créer
Nicolas laisse très souvent 2 jours entre chaque moment de création pour un même projet.
“ Après être parti en inspiration, j’ai besoin de décanter tout ce que j’ai vu”
Se laisser du temps, dans n’importe quel projet, permet de mieux développer sa pensée.
Quand je lis un livre qui m’apprend de nouvelles choses, j’y réfléchis et j’associe des comportements ou situations de la vie durant les jours qui suivent ma lecture. Ça permet d’intégrer plus facilement le contenu et d’en créer d’autres.
Le temps et la patience font partie du processus de création.

Explorer de nouvelles choses
Le temps que Nicolas prend pour faire d’autres activités, lui permet de sortir de son cadre professionnel. Il s’autorise à avoir des occupations plus personnelles dans sa journée comme sortir son chien ou s’intéresser à la mécanique.
“C’est super important d’aller dans d’autres thèmes, de sortir de chez soi, de sortir du sujet. Ça donne des idées pour le projet.”
“Dans notre environnement, nous sommes entourés en permanence de formes graphiques”.
Il est fréquent de trouver des solutions à des problématiques complexes lorsque nous ne sommes pas la tête dans le guidon. Dans la douche, en promenade, en voiture…
Le “lâcher prise”, permet de nous offrir de nouvelles idées.
Explorer est une autre façon d’avancer dans un projet. En s’écartant de ce que nous connaissons, il est possible de s’ouvrir à de nouvelles choses (j’explique l’idée dans cet article Devons-nous toujours sortir de notre zone de confort?).
Sortir de nos habitudes, s’écarter du sujet, se changer les idées permet d’enrichir notre travail ou notre réflexion.
Nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée que nous avions quand nous les avons créés.
Albert Einstein
Il est donc nécessaire de nous éloigner du travail dans lequel nous sommes pour nous ouvrir à d’autres idées et apporter de nouvelles choses.
Prendre soin de nous pour prendre soin de notre travail
À partir d’un certain nombre d’heures, la qualité de notre travail diminue. Notre cerveau a ses limites. Ne pas tenir compte de cela nous mène à un déséquilibre entre activités professionnelles et personnelles sans avoir plus de travail de qualité.
Les entreprises libérées l’ont compris en tenant compte un maximum des besoins de leurs employés. Ils se trouvent dans de meilleures conditions pour travailler. Ce qui se ressent au niveau de la productivité au travail. (en 2019, je parle de l’importance des valeurs des entreprises libérées dans cet article).
Faire du travail de très bonne qualité en travaillant moins est possible. Cela implique de bien se connaitre, d’avoir une bonne organisation et un peu de discipline.
Pour y arriver, il est nécessaire de
- se connaitre et trouver les meilleurs moments pour travailler ;
- mettre de côté toutes distractions ;
- s’autoriser des pauses régulières en dehors du travail ;
- s’imposer une certaine régularité ;
- se défaire de certaines croyances que la société nous impose.
Cet équilibre entre vie pro et perso permet d’être plus épanouis et plus détendus tout en fournissant du travail de qualité.
Toutes ces réflexions me permettent encore d’optimiser mes journées !
Depuis un an, je ne travaille plus le mercredi et le vendredi après-midi.
Aujourd’hui, je m’intéresse de près à l’alimentation qui peut stimuler la concentration.
J’ai hâte de voir tout ce que vous allez créer en diminuant votre cadence !
Le travail de Nicolas : https://captaincrea.fr/